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La Tribune : Le protectionnisme menace de faire son grand retour dans le monde

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Sur fond de guerre des monnaies et de reprise molle en Europe et aux États-Unis, les velléités protectionnistes s’expriment de plus en plus ouvertement.

Chassez le protectionnisme, il revient au galop. Il y a un an et demi, le G20 s’accordait à Londres sur un plan de relance de l’économie mondiale sans précédent. Hantées par le spectre de la Grande Dépression des années 1930, les vingt premières puissances économiques de la planète décidaient d’une coordination jamais vue de leurs politiques économiques et s’engageaient résolument contre toute forme de protectionnisme. Ce refus du chacun pour soi s’est révélé un vrai succès. La grande spirale déflationniste a été évitée. L’économie mondiale a renoué avec une croissance qui devrait atteindre 4,7 % en 2010, selon le FMI. Mais cette reprise inégale – le chômage reste très élevé aux États-Unis et en Europe – suscite des impatiences et réveille les tentations protectionnistes.

Chacun pour soi

En faisant tourner la planche à billets, la Réserve fédérale fait plonger le dollar et inquiète de nombreux pays émergents qui interviennent massivement pour contrer une appréciation trop rapide de leurs monnaies. À quelques semaines du G20 de Séoul, les grandes zones économiques craignent un retour du chacun pour soi. « Les tensions sur les questions des changes s’accroissent et il y a même des signes indiquant que cela pourrait mener au protectionnisme », a déclaré vendredi Yoon Jeung-Hyun, le ministre sud-coréen des Finances. Et Jürgen Stark, membre du directoire de la Banque centrale européenne, s’inquiète lui aussi d’un retour du protectionnisme tout comme le principal conseiller économique de Barack Obama, Larry Summers. À deux semaines des élections de mi-mandat, la tension monte entre Washington et Pékin. De nombreux candidats font pression sur la Maison-Blanche pour prendre des mesures de rétorsion contre les industriels chinois. Mais les attaques ne ciblent pas seulement Pékin. Certains élus s’inquiètent que l’armée américaine puisse s’équiper avec du matériel européen.

Levée de boucliers

En Europe, le patriotisme économique est de retour aussi. La commande de trains à l’allemand Siemens par Eurostar a suscité une levée de boucliers en France tandis que les vues de l’espagnol ACS sur le géant allemand du BTP Hochtief suscitent des réactions agacées à Berlin.

La drôle de guerre des monnaies

Jürgen Stark, le numéro trois de la Banque centrale européenne, n’y est pas allé par quatre chemins vendredi : « Il faut empêcher coûte que coûte ces fluctuations des monnaies de dégénérer en course à la dévaluation qui serait fatale, car elle déboucherait sur du protectionnisme », a-t-il averti dans les colonnes du « Handelsblatt », dans un des plaidoyers les plus vibrants de la BCE sur cet enjeu. Les craintes d’une guerre des monnaies sont clairement montées d’un cran la semaine dernière, dans un contexte où la dérive du dollar commence à s’apparenter à une déroute, et les prises de position de la Réserve fédérale à une volonté déguisée de le faire refluer. On montre du doigt la Chine, qui résiste aux appels en vue d’une réévaluation du yuan, après avoir lancé au printemps 2009 la première déclaration de guerre, en partant en croisade contre l’hégémonie du dollar. Mais aujourd’hui l’on n’ose pas accuser aussi les États-Unis de dumping monétaire. Et pourtant dans cette nouvelle phase de la guerre larvée, c’est clairement de chez l’Oncle Sam qu’est partie la détonation.

Tout commence à Jackson Hole

Tout commence fin août à Jackson Hole, dans le Wyoming, où la Banque de réserve de Dallas réunit chaque année un symposium de banquiers centraux. Très attendu, le premier orateur, qui n’est autre que Ben Bernanke, lâche cette petite phrase : « La Fed se tient prête à prendre de nouvelles mesures de soutien de l’économie, dont la convalescence est loin d’être achevée, si nécessaire ». Autrement dit : la Fed fera marcher la planche à billets si la croissance reste durablement molle, pesant sur le taux d’utilisation des capacités de production et laissant s’ancrer des craintes de déflation. Deuxième acte : le communiqué de la Fed endosse cette proposition à l’issue de son conseil du 21 septembre. Troisième acte : les minutes de cette réunion publiées mardi dernier donnent un caractère d’urgence à l’adoption d’un « QE2 », un deuxième programme d’assouplissement quantitatif, via des achats de titres de dette publique, annonçant qu’elle serait décidée « sous peu », en même temps que la Fed va s’atteler à créer des anticipations d’inflation. Un QE2 que, pas plus tard que vendredi, Bernanke estime de nouveau « justifié ». Tout au long de cet épisode à rebondissements, qui ne connaîtra pas de répit jusqu’à l’issue du conseil de la Fed le 3 novembre, le dollar dévisse. Chacun sait que le recours à la planche à billets lamine la monnaie qu’elle imprime.

Du pain sur la planche

Qu’on en juge. Le billet vert est tombé vendredi à un nouveau point bas de quinze ans face au yen, juste en dessous de 80,90, et à un plancher historique face au dollar australien monté à parité. Jeudi, il avait pulvérisé un record de faiblesse vis-à-vis du franc suisse. Pourtant, malgré le handicap de la crise souveraine de la zone euro, c’est la monnaie unique qui absorbe le plus fort de ce choc. Vendredi, le dollar a touché un nouveau point bas de neuf mois face à l’euro, chutant à 1,4155, ce qui porte à 16 % sa dévalorisation depuis son plafond de l’année touché en juin. Les pays émergents ne sont pas en reste qui cherchent désespérément à freiner l’envol de leurs monnaies à coups d’interventions ou de mesures de contrôle des mouvements de capitaux, Brésil et Corée du Sud, futur hôte du G20 de novembre, en tête. Les grands argentiers ont du pain sur la planche..

L’indice Big Mac

Le yuan est bien sous-évalué. Et même de 40 % face au dollar, selon le célèbre indice Big Mac de l’hebdomadaire britannique « The Economist », qui vient de le remettre à jour à l’occasion du prochain G20. Le sérieux magazine pointe les déséquilibres entre les monnaies mondiales en détournant, avec humour, le principe de la parité de pouvoir d’achat. Cette PPA permet de comparer dans les divers pays le prix du même panier de biens et services. Si les taux de change étaient conformes à la PPA, 100 dollars convertis en monnaies locales permettraient d’acheter le même panier dans tous les pays. Dans le cas présent, le panier se réduit au seul article Big Mac, le sandwich américain que consomme toute la planète. Un Big Mac vaut en moyenne 2,18 dollars en Chine, 3,71 aux États-Unis. Il vaut aussi 4,79 dollars dans la zone euro, ce qui correspond à une surévaluation de la monnaie unique de 29 %, et 6,78 en Suisse, ce qui fait de son franc la monnaie la plus surévaluée du monde

Un ordre monétaire sans gendarme

Mais qui donc, dans ce monde multipolaire, pourrait prendre la casquette de gendarme du système monétaire international, pour éviter à la planète que la guerre des monnaies ne tourne à la guerre commerciale ? Entre 1944 et 1973, c’était clair : le FMI avait été créé pour empêcher les dévaluations compétitives et devait approuver toute dévaluation. Mais depuis l’adoption d’un système de changes flottants en 1973, ses pouvoirs se sont réduits et il ne dispose d’aucun instrument pour forcer la main à ceux qui mènent une politique de change déloyale.

Désarmés

Quant à l’OMC, même si la manipulation des changes est la première arme de politique commerciale, elle ne connaît pas la notion de protectionnisme monétaire et s’en tient à celle de protectionnisme douanier. Son directeur, Pascal Lamy, continuait donc d’affirmer, début septembre : « Le risque protectionniste a été maîtrisé… » En fait, il existe dans les statuts de l’OMC un dispositif permettant de sanctionner un pays pratiquant une politique de change XX, mais il ne pourrait être actionné qu’après un vote, à la majorité qualifiée et sur un même texte, des assemblées du FMI et de l’OMC… Inutile de dire que l’arme est inutilisable.

Les gendarmes potentiels étant désarmés, reste la capacité des États des 20 pays les plus puissants à s’entendre sur un rééquilibrage. C’est la stratégie de la France depuis toujours, et celle de Nicolas Sarkozy qui cherche à avancer par un consensus pour arriver à une plus grande stabilité des monnaies. Le problème, c’est qu’il n’existe pas, à ce jour, d’accord sur l’origine de la guerre des monnaies.

Coupable chinois ou américain ?

Les uns, autour des États-Unis, de l’Europe, et du Japon, pointent la non-convertibilité du yuan et sa parité fixe avec le dollar. Ils voudraient forcer Pékin à réévaluer sa monnaie et lui imposer de la rendre convertible. « Comme en 1971, pour se faire respecter, on n’échappera pas à la manière forte consistant à relever les droits de douane, estime Antoine Brunet, d’AB Marchés. Mais il faut le faire au niveau du G7. »

Les autres, autour de la Chine, de la Russie, du Brésil, et en partie de la France, estiment que les fluctuations de changes viennent en fait des flux de capitaux colossaux issus des États-Unis. « On ne parviendra à rééquilibrer les changes que si l’on obtient en parallèle des États-Unis de restreindre leur politique monétaire, et de la Chine d’ouvrir vraiment son marché intérieur, estime l’économiste Patrick Artus. Mais cela est totalement irréaliste. »

D’autres émergents s’inquiètent

La Chine n’est pas la seule à intervenir sur le marché des changes pour protéger sa compétitivité. C’est la seule à le faire dans des proportions aussi phénoménales : les réserves de change de la Banque populaire de Chine s’élèvent à 2.648 milliards de dollars. Mais d’autres grandes économies émergentes comme le Brésil, le Mexique, l’Argentine, la Thaïlande, la Corée du Sud interviennent aussi pour contrer une hausse trop rapide de leurs monnaies.

Les pays asiatiques et d’Amérique latine redoublent d’efforts pour contenir des entrées massives de capitaux étrangers. Le gouvernement thaïlandais a imposé une retenue à la source de 15 % sur les plus-values et les revenus des intérêts des investissements étrangers sur la dette souveraine. Objectif : empêcher une appréciation supplémentaire du bath thaïlandais qui a gagné plus de 11 % depuis janvier par rapport au dollar.

Le coup de gueule brésilien

Début octobre, le Brésil décidait de doubler à 4 % la taxe sur les achats d’obligations brésiliennes par des investisseurs étrangers afin d’endiguer l’appréciation du real. Le ministre des Finances, Guido Mantega, a comparé les interventions sur les changes à une « guerre des monnaies ». La Corée du Sud a menacé aussi d’imposer de nouvelles limites sur les dérivés de taux de change. Et l’Inde étudie des mesures destinées à maîtriser les fluctuations spéculatives.

Coupée en deux

L’économie mondiale est coupée en deux. D’un côté des pays émergents en forte croissance, de l’autre des économies développées engluées dans la croissance molle, le chômage et des niveaux d’endettement élevés. Résultat, les capitaux, en quête de rendements, affluent vers les pays émergents. Les économistes de Morgan Stanley estiment que plus de 1.100 milliards de dollars de capitaux privés prendront la route de ces pays au cours des douze prochains mois. Les pressions sur les monnaies émergentes devraient donc s’accentuer.

Le FMI s’est opposé à ces interventions monétaires. « Dans le cas du Brésil, étant donné les circonstances actuelles, ces flux ont des chances d’être plutôt permanents, donc essayer de les combattre par une accumulation de réserves est probablement autodestructeur », expliquait récemment le chef économiste du Fonds, Olivier Blanchard. Le FMI plaide depuis toujours pour l’appréciation des monnaies des pays connaissant la plus forte croissance, comme la Chine, pour rééquilibrer l’économie mondiale de manière coordonnée.

Inquiétudes

Si l’appréciation des devises émergentes se justifie à moyen ou long terme, elle suscite aujourd’hui des inquiétudes légitimes dans leur pays d’origine. La croissance mondiale marque en effet des signes d’essoufflement, la demande privée n’ayant pas encore complètement pris le relais des plans de relance dans les pays développés.

Un invité dans la campagne américaine

« Les hommes et les femmes qui défendent notre pays devraient se battre avec des avions fabriqués aux États-Unis. » Patty Murray, sénatrice de l’État de Washington, ne s’en cache pas : le contrat géant des ravitailleurs de l’US Air Force doit être attribué à Boeing, et non à son concurrent européen Airbus. « Il faut créer des emplois aux États-Unis, pas en France », peut-on encore entendre dans l’un de ses nombreux clips publicitaires consacrés à ce sujet sensible.

L’avionneur américain emploie plus de 70.000 personnes dans la région de Seattle. C’est donc un excellent thème de campagne électorale. Il suffit d’ailleurs de s’installer devant sa télévision pour se rendre compte que les tentatives protectionnistes se sont invitées dans le débat politique. Car il trouve un écho important auprès de l’opinion publique, dans un contexte de chômage de masse et d’émergence de la Chine. Après le Japon dans les années 1980, le Mexique lors de la décennie suivante : à chaque époque sa cible.

29 accusations

Ces derniers jours, la « menace » chinoise a fait un retour fracassant sur le devant de la scène. Le « New York Times » a recensé, en une seule semaine, pas moins de 29 candidats accusant directement leur adversaire d’avoir été trop laxiste envers la Chine et d’avoir ainsi contribué aux délocalisations. À commencer par Harry Reid, le chef de la majorité démocrate au Sénat, qui a qualifié son opposante de « meilleure amie des travailleurs étrangers ». Ces attaques interviennent dans un contexte de tensions extrêmes entre les deux pays sur la sous-évaluation du yuan. Au début du mois, la Chambre des représentants a adopté, à une très large majorité, un projet de loi ouvrant la voie à l’instauration de droits de douane sur les produits en provenance de Chine. Pour ne pas souffler sur les braises, le Trésor américain a décidé vendredi dernier de reporter la publication de son rapport semestriel sur les changes, qui ne sera dévoilé qu’après les élections et le sommet du G20 prévu les 11 et 12 novembre.

« Buy american »

« Le protectionnisme rend les peuples plus pauvres, les nations plus hostiles et réduit les opportunités pour les entreprises et les travailleurs », déclarait récemment Larry Summers, le principal conseiller économique de Barack Obama. Le plan de relance américain de 787 milliards de dollars, voté début 2009, instaure pourtant un « buy american » pour tous les projets d’infrastructures qu’il doit financer.

Sans oublier que les accords de libre-échange avec la Corée du Sud, la Colombie et le Panama attendent toujours d’être ratifiés par le Congrès, se heurtant aux réticences de la majorité démocrate. Des accords qui profiteraient pourtant aux grandes entreprises américaines. Mais ce n’est pas le genre de discours qui va mobiliser les électeurs.

Bisbilles aussi en Europe

Un train allemand, fabriqué par Siemens, utilisé par une firme française (Eurostar, contrôlé par la SNCF) pour relier des capitales européennes (Londres avec Paris, Bruxelles ou Francfort) : sur le papier une parfaite illustration de l’intégration européenne et son marché intérieur. Mais la controverse causée par le choix d’Eurostar d’acheter des trains Siemens plutôt que les TGV français d’Alstom est, au contraire, un cas d’école du protectionnisme croissant au sein de l’Union européenne (UE).

France, Allemagne, Espagne…

Si les ministres français Borloo et Bussereau cherchent à protéger Alstom, ils ne sont pas les seuls responsables politiques en Europe à remettre en cause indirectement la libre circulation des capitaux et des biens dans l’UE. Berlin s’active actuellement pour soustraire le premier groupe de BTP du pays, Hochtief, des griffes de l’espagnol ACS. La chancelière Angela Merkel se déclare soucieuse que « les structures industrielles d’Hochtief et son siège demeurent en Allemagne ». Au plus bas dans les sondages, elle est sous la pression du chef de l’opposition sociale-démocrate (SPD), Sigmar Gabriel, qui l’exhorte à signaler au gouvernement espagnol qu’il ne peut ainsi mettre au chômage des salariés allemands ayant versé, par leurs impôts, des fonds européens à l’Espagne… Le « sain patriotisme d’entreprise » de Gabriel rappelle « le patriotisme économique » du Premier ministre français Dominique de Villepin lors des tentatives d’OPA sur Suez par l’italien Enel ou sur Danonepar Pepsi.

Exacerbé par la crise

Ce protectionnisme entre membres de la zone euro n’est donc pas nouveau mais il s’est exacerbé avec la crise. Ne pouvant plus dévaluer sa monnaie, chaque pays de l’euro se bat désormais avec tous les moyens pour arracher des commandes à l’export dans un autre pays européen. Une économie orientée vers les exportations, comme l’Allemagne, plutôt que sur la consommation intérieure, est devenue le modèle à suivre en ces temps de déficits publics vertigineux. Du coup tous les coups semblent désormais permis pour exporter ses produits.

Retour de la TVA sociale

Dans les années 1980, Édith Cresson, éphémère Premier ministre de François Mitterrand, avait décidé que le dédouanement des magnétoscopes en provenance du Japon se ferait à… Poitiers. Cette mesure avait pour but de renchérir le coût des produits nippons et ainsi de protéger l’industrie française. L’initiative a fait long feu : mis à part Archos, qui ne produit d’ailleurs pas en France, l’électronique grand public tricolore a disparu.

Aujourd’hui, il n’est plus question de rééditer cette affaire, mais économistes et politiques s’interrogent sur les moyens à mettre en oeuvre pour que perdurent en France entreprises, usines et emplois. Des voix s’élèvent donc régulièrement depuis des années pour réclamer l’instauration d’une « TVA sociale ». La commission Attali (lire ci-dessous) rejoint ce choeur dont la personnalité la plus assidue est, sans nul doute, le sénateur centriste, Jean Arthuis.

Une mesure pour améliorer la compétitivité française

Le principe de la TVA sociale consiste à transférer tout ou partie des charges pesant sur les entreprises sur un supplément de TVA. Cette mesure, d’ailleurs appliquée en 2005 en Allemagne, améliorerait la compétitivité des produits fabriqués en France en renchérissant le prix des importations. Ce serait donc l’arme antidélocalisation par excellence et, surtout, écrivait Jean Arthuis début 2007, « on ne peut maintenir des impôts de production dans une économie mondialisée ».

Les Français sont-ils prêts à ce basculement ? Jean-François Copé, patron des députés UMP, semble convaincu, même s’il juge prudent de débaptiser la mesure. La TVA sociale devient dans sa bouche « TVA antidélocalisation ». Un virage sémantique qui traduit le traumatisme du printemps 2007 quand les réponses de Jean-Louis Borloo, interrogé par Laurent Fabius sur la TVA sociale, avaient fait perdre 50 sièges à la majorité lors des législatives.

Le plaidoyer de Jean-François Copé

C’est au « Figaro » que, début octobre, Jean-François Copé a livré son plaidoyer : « Il s’agit tout bonnement de ne plus faire peser tout le financement de notre protection sociale sur les travailleurs. Si on augmente la TVA [...] et si on baisse parallèlement les cotisations sociales employeurs et salariés, on fait reculer notre coût du travail, donc on favorise l’emploi dans le pays tout en faisant contribuer les importations aux ressources de la Sécurité sociale. »

Même si le thème de la TVA sociale transcende le clivage droite gauche – Dominique Strauss- Kahn estimait en 2005 qu’il ne devait pas y avoir de tabou sur le sujet – le PS a souvent fait connaître, depuis, son opposition à son instauration. Des réticences qui ont plusieurs causes : d’abord la conviction qu’une hausse de la TVA, impôt proportionnel, rendrait moins progressif le système fiscal français ; et ensuite, les inquiétudes sur les effets inflationnistes de cette mesure et son impact sur la demande.

Jacques Attali pour le relèvement de la TVA

Dans un entretien publié ce lundi dans « La Tribune », Jacques Attali le président de la Commission de la libération pour la croissance française revient sur les propositions faites dans le rapport qu’il a remis vendredi à Nicolas Sarkozy.

La Tribune – Quelles sont les priorités du second rapport de la commission de la libération pour la croissance française ?

Jacques Attali – Il y a deux urgences : l’emploi et le désendettement. Pour augmenter l’un et réduire l’autre, nous faisons 25 propositions pour redonner confiance aux jeunes en leur avenir.

- Votre plan d’action a un horizon temporel de dix ans. L’urgence ne semble pas si « urgente » ?

- Si, bien entendu. Dès aujourd’hui, il faut un traitement de choc sur la dépense publique de fonctionnement et de transfert. Limité a trois ans, cette dimension de notre projet passe notamment par la poursuite de la politique de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux et par le gel du point d’indice. Nous voulons dans le même temps favoriser une politique d’investissement public et privé en Europe, stimuler l’emploi et la concurrence. Bref l’originalité de ce rapport est de proposer une stratégie intégrée de désendettement et de croissance.

- Certains commentateurs estiment que vos propositions ne sont qu’un plan d’austérité drastique. Que leur répondez-vous ?

- Que l’assainissement des finances publiques de la France n’est qu’une des dimensions des énormes réformes de structures dont notre pays a besoin pour retrouver le chemin de la croissance.

- Pour résoudre le chômage, quelle est votre principale proposition ?

- Nous proposons de créer un cadre efficace, cohérent et valorisant pour la recherche d’emploi à travers la mise en place d’un contrat d’évolution. Cette réforme est majeure. Parce que la phase de recherche d’emploi est utile à la fois au chômeur et à la collectivité, elle mérite donc d’être rémunérée et d’être organisé, sous forme d’un contrat d’activité à durée indéterminée, rémunérant l’activité de recherche d’emploi et de formation. Ce type de contrat a permis de faire reculer le chômage dans les pays Scandinaves. Nous pouvons tirer parti de cette expérience réussie.

- Le projet de loi de finances 2011 du gouvernement est-il en phase avec vos recommandations ?

- L’objectif de réduction du déficit public – prés de 2 points de PIB – représente un effort de redressement sans précédent. Si le compte y est a peu près pour l’état, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour les budgets locaux et sociaux. Il faut s’en donner les moyens dans un contexte de croissance faible.

- Dans le domaine de la fiscalité, votre rapport propose notamment de relever le taux de TVA pour abaisser le coût du travail. Cette mesure peut-elle être considérée comme du protectionnisme ?

- L’Allemagne ne s’est pas gêné pour le faire il me semble. Il faut ensuite rappeler que le taux de TVA appliqué en France se situe en dessous de la moyenne européenne. La France dispose d’une marge de manoeuvre que certains pays n’ont plus. Comme l’Allemagne. Cette mesure s’apparente en effet à une dévaluation compétitive et il faut savoir ce que l’on veut : continuer à céder du terrain face à nos concurrents ou au contraire redynamiser les exportations tricolores et donc l’emploi tout en assurant un financement plus sain de notre protection sociale. .

- Comment s’assurer que les entreprises répercuteront bien la baisse du coût du travail sur les prix de leurs produits ? En clair, qu’elles ne garderont pas pour elles le différentiel de marge ?

- La tentation serait grande effectivement. Sauf que les entreprises françaises évoluent dans un environnement extrêmement concurrentiel en Europe et dans le reste du monde. Si elles ne baissent pas leurs prix, elles continueront à voir leurs parts de marché reculer. Elles n’ont pas beaucoup le choix. La loi du marché rappellerait à l’ordre les entreprises un peu trop gourmandes. C’est la raison pour laquelle je ne crois pas que ce relèvement du taux de TVA pèse sur la consommation des ménages. En appliquant cette mesure, la France demanderait en somme à ses partenaires européens de financer une partie de la protection sociale de ses citoyens. N’est ce pas contradictoire avec le fait que le rapport de la commission souhaite

- Le renforcement de la politique économique européenne ?

- Je le répète, l’Allemagne n’a pas eu beaucoup de scrupules à relever son taux de TVA. Que préféreriez-vous ? Que ce soient les générations futures qui se trouvent chargés du fardeau de notre dette ? Étant donné le climat social actuel, la réponse à cette question me semble assez évidente. Mais nos propositions dans le domaine de la fiscalité ne se limitent pas à cette mesure. Nous proposons une fiscalité de croissance pour réduire la taxation du travail et d’augmenter celles sur la pollution et toutes les formes de patrimoines. Pour financer les trois réformes majeures: l’école primaire, le contrat d’évolution et les grandes infrastructures écologiques.

Isabelle Croizard, Anne Eveno, Xavier Harel, Fabien Piliu, Valérie Segond, Frank Paul Weber et Jérôme Marin, envoyé spécial permanent de La Tribune à New York -

 

Source : La Tribune



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